A l'entrée du marché, il y a la petite marchande de fleurs. Ses bouquets jaunes fleurent bon le dimanche. Silencieuse, seuls ses yeux profonds vous implorent de lui prendre un bouquet. Elle semble perdue, et pourtant, elle est là tous les dimanches. Autour d'elle, c'est l'effervescence. Les militants de tous bords tendent leurs tracts à chaque passant. Les militants vont par deux, leur foi fait leur force. Il est midi, la vie bat son plein. Devant le coin de la banque, celle qui a remplacé le petit bistrot de quartier, il y a le pilier de la place. Le chanteur du dimanche. 20 ans au moins qu'il est là, 52 dimanches par an. A ses pieds, son ampli et son radio-cassette antédiluviens trônent près de sa casquette de gavroche remplie de pièces jaunes. A sa main droite, son micro, et à son répertoire, Piaf, Dutronc, Aznavour, Adamo. Paname paname, panaaaame. Les fines allées du marché sont embouteillées. Toutes les générations se rencontrent devant les étalages colorés et animés. Chacun cherche son légume. Les plus braves ont tenté le caddy, à force, ils sont devenus des experts du zigzag. Les plus fous ont tenté la poussette, à force, ils se sont habitués à avancer au ralenti, profitant de chaque espace pour progresser lentement le long de l'allée bondée. Du plus jeune au plus agé, tous les habitants du quartier se croisent l'espace d'un instant devant les maraîchers. Les prix au kilo ne se crient plus, ils sont trop chers. Seuls les 2 pour le prix d'1 ont survécu dans digne tradition des marchands les plus tonitruants. Le beaufort et les monts d'or côtoient de près les olives au piment et les figues séchées. Le poissonnier est désormais installé à côté du poulet rôti, et les marchands de pantoufles résistent encore entre les jouets en bois et les jouets chinois. Dans deux heures, tout aura disparu. Auvents et marchands, passants et militants. Il ne restera plus que les jets d'eau, et quelques maigres cajeots pris d'assaut par ceux qui attendent dans l'ombre, la faim au ventre. Chacun cherche son légume.